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LE NÔ

 能楽 

Un art japonais

Le nô est introduit Par Kan'ami Kiyotsugu et son fils Zeami Motokiyo à la cour de l’empereur Ashikaga Yoshimitsu à Kyôto à l’époque Muromachi. Cet art scénique qui intègre le chant, la musique et la danse est une synthèse des arts de son époque. Tout en héritant de l’art des numéros variés de Chine connus sous le nom de sanyue, Kan’ami et son fils intègrent les arts raffinés de la cour (poèmes, récits épiques) et les spectacles des temples (récits et prières bouddhiques, danses liturgiques). Grandi à l’ombre du palais impérial et dans la cour de temples le nô est l’Art par excellence. Quand le pouvoir passe aux shôguns il sera considéré comme véritable cérémonial avec ses règles rigides et son répertoire. Pratiqué par cinq familles qui en détiennent officiellement le savoir, il est considéré comme l’art noble par excellence. Bien que menacé de disparition lors de la modernisation de Meiji, il connaît au vingtième siècle un brillant renouveau consacré par la construction du Théâtre National de Nô en 1983 et par sa reconnaissance comme patrimoine immatériel de l’humanité par l'UNESCO en 2008. 

la scène de bois

La scène, constituée d’un plateau carré délimité par quatre piliers est prolongée par un pont de bois qui permet l’entrée des acteurs. Le fond de la scène comporte la représentation d’un pin, en référence au pin sacré devant lequel acteurs de nô jouaient à Nara au Moyen-Âge. Trois pins de taille croissante sont également plantés le long du pont de scène. L’ensemble de la scène est couvert d’un toit de tuiles. 

Les acteurs 

Les acteurs sont au nombre de deux : un acteur masqué appelé shite et son adjoint, dépourvu de masque appelé waki. Tous deux dialoguent et chantent dans une diction tantôt parlée, tantôt psalmodiée,  tantôt chantée. Ils sont parfois flanqués de de compagnons nommés tsure ou de figurants muets nommés tomo. Ajoutons un acteur spécifique, l’ai, qui intervient entre les deux parties de la pièce. Ils portent des vêtements de soie brodée de style ancien représentant une époque lointaine. Le shite, qui porte un éventail, évolue sur scène où il réalise des figures de danses en appui au récit et, en dialogue avec le waki, exécute des gestes symboliques : pleurs, supplication, prière.

Les musiciens et les chanteurs

Au fond de la scène, quatre musiciens sont assis à vue : un joueur de flûte (nôkan), un joueur de petit tambourin (kotsuzumi), un joueur de gros tambourin (ôtsuzumi), un joueur de gros tambour à battes (taiko). Sur le côté, un groupe de chanteurs assis, le ji-utai, jouent le rôle de récitants impersonnels. Le ji-utai et l’orchestre, qui accompagne ce dernier par des cris rythmiques caractéristiques, constituent la bande sonore du spectacle.

Le nô et la France

Nô et japonisme 

Bien que le nô soit connu depuis l’arrivée d’Européens au Japon au XVIème siècle, il ne nourrit pas un intérêt immédiat. Longtemps perçu comme exotique et bizarre, il ne suscite guère que des commentaires amusés des voyageurs. À partir de l’ère Meiji, la mode du Japon connue sous le nom de « japonisme » va alors modifier la perception européenne. Grâce à des figures comme Basil Chamberlain, Marie Stopes ou Arthur Waley qui traduisent le nô en anglais, Les Britanniques vont découvrir cet art. La France n’est pas en reste : dans les années 1910 et 1920, des pièces de nô seront traduites et diffusées par les études savantes de Michel Revon, Noël Peri et Gaston Renaudeau.

L’avant-garde et le nô

Les premières traductions de nô nourrissent l’avant-garde européenne : cet art inspire la pièce At the Hawk's Well de Yeats en 1916, tandis que Brecht adapte le nô Taniko dans l’opéra der Jasager, Der Neinsager mis en musique par Kurt Weil en 1929. En 1923, Jacques Copeau travaille sur la pièce de nô Kantan au Vieux Colombier en collaboration avec Suzanne Bing, tandis que Paul Claudel, ambassadeur à Tokyo en 1921, consacre au nô un long essai en 1926. Plus tard, la tentative de Copeau sera renouvelée : Hélène Giugliaris danse Hagoromo en 1946 au Musée Guimet. En 1947 puis en 1951 Marie-Hélène et Jean Dasté adaptent sur la scène de Lyon les pièces de nô Sumidagawa et Kagekiyo sur une musique de René Lafforgue.

 

Sieffert, Barrault et le néo-japonisme​

La première rencontre du public français avec un nô authentique aura lieu sur scène lorsque Jean-Louis Barrault invite en 1957 les frères Kanze Hideo et Hisao à Paris dans le cadre du Festival du Théâtre des Nations. La traduction par René Sieffert des traités secrets de Zeami dans une journée de nô en 1960 marque l’apogée de ce nouvel intérêt : la même année, Barrault se rend au Japon tandis que Jean Vilar fait l’éloge de l’art du nô. En 1972, les frères Kanze reviennent à Paris et jouent le nô Dojoji dans le théâtre Récamier de Jean-Louis Barrault. Les nouvelles traductions de René Sieffert en deux volumes, sorties En 1979, contribueront à fixer l’intérêt du théâtre français pour le nô dans les décennies suivantes.

Le nô aujourd'hui

Dans la lignée de Copeau et de Barrault, Ariane Mnouchkine intègre le nô et le kyôgen à son travail et contribue à son enseignement grâce à l’association ARTA. En 1992 Le maître Tanshū Kano offre à la ville d’Aix-en-Provence une scène de nô qui sera ensuite transférée dans le jardin japonais du parc Saint-Mitre. La diffusion du nô est également poursuivie grâce à ses nouvelles traductions d’Armen Godel dans les années 90 et 2000. Lors de l’année « Japonisme » en 2019, la Philarmonie de Paris fait construire une scène de nô temporaire pour accueillir le nô Kinuta. En 2021-2022, l’Ile d’or d’Ariane Mnouchkine met au centre de son rêve une scène de nô que les acteurs montent et démontent : belle métaphore de cet art qui continue de résonner dans le cœur des Français.

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